Quel est le rapport entre une boulangerie japonaise et le marxisme ? Ceci n’est pas un Kamoulox, le livre Marx et sa baguette est le parcours d’un boulanger japonais qui a adopté les principe du marxisme pour fonder sa boulangerie.
Résumé : Itaru vit de petits boulots. Arrivé à la trentaine, diplôme en poche, il trouve une place chez un grossiste de produits biologiques et découvre des méthodes pas vraiment « bio ». Itaru veut donner du sens à son travail. Une nuit, il a une révélation. Il va devenir boulanger. Sauf qu’il ne connaît rien à la fabrication du pain. Il commence un nouvel apprentissage, rencontre sa future femme et lit Le Capital. Sa vie bascule. Un boulanger japonais, voilà qui n’est pas courant. Un boulanger japonais qui applique les leçons de Marx, encore moins. Mais Marx et sa baguette n’est pas un livre politique. Il est le récit d’un homme passionné d’écologie qui veut vivre autrement, nourrir ses semblables, sans les empoisonner. Il nous dit comment…
Marx et sa baguette est un récit d’Itaru Watanabé où il raconte comment il est devenu boulanger et comment il a créé sa boulangerie tout en étant influencé par les principes marxistes. Le livre est sorti en 2013 au Japon et en 2019 aux éditions Descrezenso (que je remercie chaleureusement pour cet envoi).
1 – On apprend plein de choses sur le pain et sa fabrication
Vu le titre du livre Marx et sa baguette, on va parler de pain ! En tant que bonne française, du bon pain c’est toujours bien accueilli (surtout s’il y a du fromage ou du bon beurre). Là le fait que ce soit un japonais qui parle de pain ça m’a encore plus intriguée. Aussi même si j’apprécie de manger du pain, je n’avais qu’une vague idée de comment faire du pain et je ne connaissais pas vraiment la différence entre levain et levure. (Non je n’ai pas fait de pain pendant le confinement…)
Dans ce livre, on va apprendre de petites choses comme la différence entre levure chimique et levain naturel. On va aussi apprendre à comment les boulangers nourrissent le levain naturel et contrôlent le processus de fermentation. J’ai aussi appris qu’il y a énormément de ferments qui existent dans la nature mais que tous ne donnent pas forcément du bon pain. Ce n’est pas la partie la plus glamour de la cuisine mais clairement c’est quand même important de savoir comment la nature fonctionne et comment elle peut contribuer à générer de la bonne nourriture. C’est assez naturel comme raisonnement mais dans ce livre l’auteur fait bien le parallèle entre le pain fait au levain naturel et celui fait industriellement.
Le livre fournit également des explications sur la fabrication du pain au saké, la spécialité de l’auteur qui fait que son pain est unique et est considérée comme une vraie spécialité japonaise. L’auteur part vraiment d’ingrédients typiquement japonais et c’est quelque chose de super intéressant surtout quand on connaît la culture du pain en France. Cela n’a pas toujours été facile quand on lit son parcours mais à la fin sa description du pain donne envie.
Donc pour les amateurs de pains, ce livre est vraiment super intéressant ! Maintenant je rêve de goûter le pain au saké dont il parle dans le livre !
2 – Révisions sur les principes du marxisme
L’auteur a été fortement marqué par les enseignements du marxisme grâce à son père qui lui avait conseillé de lire Le Capital de Karl Marx. Avec le livre il arrive à expliquer comment il a su appliquer les principes à sa manière pour créer sa boulangerie.
Dans la première partie du livre, il va raconter ses débuts en tant que boulanger et le constat qu’il a fait du capitalisme. En effet, il a commencé ce travail dans une entreprise plutôt classique dont l’objectif était surtout de générer des bénéfices. Cette expérience va le marquer car c’était un travail difficile et peu enrichissant pour lui. Avec ces expériences, cela va l’amener à réfléchir sur le capitalisme, son fonctionnement et ses limites.
L’exemple qui m’a le plus marqué dans le livre, c’est quand il compare le capitalisme à une économie qui ne pourrit pas à l’utilisation de levure chimique. La levure chimique a la propriété d’être stable et donc facile à utiliser donc c’est un outil qui permet de générer du pain sans se soucier d’un levain qui peut pourrir. C’est plutôt efficace pour montrer les deux systèmes.
Au fil du livre, Itaru va raconter comment il va gérer son entreprise pour ne pas générer de bénéfices et comment fixer une valeur juste pour ses produits. Il va notamment choisir d’avoir des horaires d’ouvertures de la boulangerie restreints et des quantités à vendre plus faibles pour que ce soit équilibré. En fait en appliquant à sa manière ce qu’il a appris du marxisme, il va trouver un certain équilibre familial et surtout il va retrouver la valeur de son travail et devenir plus indépendant au système économique global. C’est une mise en place qui est je pense un cas exceptionnel. Je ne sais pas si c’est faisable sur l’ensemble d’une société mais c’est beau de voir un modèle de ce type au Japon.
Pour ceux et celles qui ont besoin qui ont besoin de révisions sur ces notions, cela n’est pas poussé à l’extrême mais il s’agit de cas concret qui sont plutôt intéressant. C’est une perspective différente de ce qu’on peut voir en économie. Il y a parfois des passages un peu long pour bien expliquer certaines notions du marxisme mais il y a aussi des exemples qui vont illustrer ces concepts. Cela rend la lecture plus simple qu’un livre d’économie classique.
3 – Récit d’un parcours atypique au Japon
Ce que j’ai apprécié lors de ma lecture de Marx et sa baguette c’est également c’est le parcours de l’auteur qui est assez original. Il est devenu boulanger sur le tard et son parcours n’a pas toujours été facile surtout dans une société assez stricte comme au Japon. Quand on pense au Japon, on pense à un pays avec beaucoup de salary man et une mentalité où il est important de rentrer dans le moule. Donc le parcours et la réflexion de l’auteur m’ont beaucoup intrigué car il a un parcours atypiques et le fait qu’il applique des principes du marxisme, le rend original.
Il arrive à raconter son parcours via la création du pain mais aussi il raconte l’influence de sa famille sur sa carrière. Son parcours est vraiment plaisant à lire car au point de départ on trouve un jeune homme plutôt perdu et qui cherchait à donner du sens à sa vie. Et mine de rien c’est via la nourriture qu’il va trouver sa voie.
Aussi ce qui est différent c’est qu’on sent que l’auteur a une volonté d’essayer de choses et de tester des recettes. Il a su faire preuve de beaucoup de persévérance pour notamment faire un pain qui reprend des éléments typiquement japonais comme le saké ou le koji. J’ai vraiment trouvé que c’était un bon parcours à lire et qui donne l’exemple. Tout n’a pas toujours été facile mais lui et sa femme ont persévéré pour leur boulangerie même quand ils ont dû changer de région après le tsunami de 2011.
Marx et sa baguette porte un regard différent sur la société japonaise. L’auteur montre que d’autres parcours sont possibles et aussi qu’il est important de revenir à des choses plus essentielles. Un des passage qui m’a marqué c’est quand il relate d’une conversation avec sa femme qui racontait qu’elle se souvenait que son père travaillait dans un bureau, mais elle était incapable de savoir ce qu’il faisait concrètement. C’est assez représentatif des sociétés actuelles et je trouve ça courageux de la part de cette famille de vouloir trouver du sens à leur métier et à leur activité.
4 – Le retour à la nature
Au delà de raconter son parcours, l’auteur Itaru Watanabé voulait également faire comprendre qu’il est important de se retourner vers la nature. Au début il commence à parler de la nature via l’utilisation de levain naturel et d’utilisation d’ingrédients naturels. Cela passe par la farine mais également par la qualité de l’eau. Une bonne source d’eau naturelle nourrira mieux qu’une eau classique traitée. C’est grâce à ces petites choses qui vont lui permettre de préparer un bon pain. L’auteur et sa famille se sont lancés dans la quête d’un endroit pour s’installer où ils pourraient trouver de bons ingrédients mais également donner un bon cadre de vie avec sa famille.
Dans le livre, l’auteur traite également de ses relations avec d’autres artisans qui habitent également à la campagne. Ce sont parfois des arts dont parfois qui sont en voie d’extinction car ce sont parfois des disciplines compliquées et aussi les jeunes se détournent de ces arts. Mais il souligne le fait que même si ces arts sont en voix d’extinction, ce sont des arts ancestraux qui ont passé l’épreuve du temps et que ces artisans continuent quand même à proposer des produits qui sont durables.
A la fin du livre, ça m’a donné envie d’aller visiter la province du japon. pas forcément m’y installer mais ça le message est plutôt convainquant !
J’espère que cet article vous a donné envie de lire le livre Marx et sa baguette. Pour ma part j’ai beaucoup apprécié la lecture. Ce n’est pas très long à lire (moins de 200 pages) et on apprend plein de choses sur à la fois la fabrication du pain, le marxisme mais également sur l’état de l’artisanat au Japon. Et puis ça m’a donné envie d’aller essayer ce pain au saké !
>> Le site de la Boulangerie Talmary
Les photos de cet article sont issues des réseaux sociaux et du site de la boulangerie Talmary